VOICI Comment j’ai préféré l’aventure à moto plutôt que le confort d’un vol en avion !
J’avais commencé à nommer cet article « Cloyes Madrid » tout simplement, mais après mure réflexion, mon sentiment fut plutôt orienté vers ce nouveau titre qui tout au long de ce trip a trouvé sa juste place.
« Seul au monde » ne signifie pas qu’il n’y ait rien autour de vous auquel vous ne pouvez vous rattacher !
Au contraire, des solutions multiples s’offrent à vous : par exemple vous pouvez disposer une photo embarquée de vos enfants dans la pochette transparente de votre sacoche de réservoir ou dans votre portefeuille que vous verrez à chaque arrêt et puis vous avez toujours vos pensées permanentes qui courent au fil des kilomètres et vous entrainent loin de l’instant présent.
Mais laissez-moi vous détailler mon voyage extraordinaire à bord de mon surf d’argent, quelque peu bridé toutefois par la réglementation routière !
L’idée principale était de me dégager des contraintes psychologiques habituelles du vol Paris-Madrid, mes nouvelles conditions de travail professionnel, m’entrainent souvent à prendre l’avion et quand il m’a été permis de penser aux avantages indéniables de prendre la route à moto et d’associer l’utile à l’agréable, mon esprit s’est mis dans un mode permanent de réflexion.
Pendant de longues journées je me suis posé les questions, du temps, de la météo, de la fatigue, du coût, de l’usure du véhicule aussi, mais rien ne m’arrêta dans ma prise de décision finale qui elle, avait germé en moins d’une minute !
Les motocyclistes ayant l’habitude de ce genre de longs trips, vous confirmeront qu’on ne prévoit pas un voyage de ce genre à la légère et encore moins avec une moto de course.
Il convenait de préparer la machine qui n’avait pas traversé la France depuis bien longtemps. Une nouvelle monte de pneus s’imposait, et de ce fait, une petite étude du marché actuel me fit choisir les nouveaux Michelin Pilot Power3 appréciés des roadsters et des sportives et pouvant être utilisés sur route autant que sur circuit, l’expérience m’a confirmé que je ne m’étais pas trompé dans mon choix.
Un petit tour en atelier, le temps de me replonger dans l’ambiance des préparations de circuit et de la bonne odeur de caoutchouc, un contrôle général de la machine et la voilà enfin prête !
Ensuite la réflexion s’est portée sur l’équipement de route, un petit tour chez mon amie Nathalie avenue de la Grande Armée, toujours de bon conseil depuis mes débuts sur circuit, c’est toujours un plaisir de m’en remettre à elle pour choisir mes équipements.
Le plaisir de rechercher les solutions idéales, partager les conseils des professionnels et évoquer avec eux mon projet fut un bon début.
Je trouvais une sacoche de réservoir parfaitement conçue et assortie aux couleurs de ma moto. (le coup de bol magistral !)
Puis un sac étanche pour transporter mes ordinateurs portables à l’arrière de la moto, et pour conclure, une combinaison de pluie efficace en prévision des conditions climatiques annoncées par météo France.
L’avantage de partir uniquement pour le travail, c’est que j’ai pu troquer les affaires liées aux loisirs contre celles nécessaires pour mon business qui occupent bien moins de place.
Par sécurité et pour essayer tout ce nouveau matériel sur la belle, je fis un test routier la veille de mon départ officiel. Un petit au revoir à mes deux fils « motards dans l’âme » et le constat de mes choix idéaux.
Me voici prêt pour le grand départ, je prévois de prendre mon « envol » dans la nuit pour arriver en fin de journée à Madrid. Les nuits comme d’habitude sont courtes pour moi et trouver le temps de reposer mes yeux quelques heures n’était pas gagné !
De surcroit, un chalazion récent à l’œil droit, très douloureux, n’a fait qu’augmenter l’aspect pénible du projet. C’est en fait 4h de sommeil plus tard et avec une souffrance terrible que je m’habille pour prendre la route, c’est là que l’aventure continue.
La sacoche réservoir protégée, le sac arrière bien harnaché et mon fameux Helmet Bag Insolent Rider dans le dos afin de protéger mon casque pendant mes arrêts prolongés, je monte sur ma moto et je la démarre.
Sous le doux ronronnement de la bête, je jette un dernier coup d’œil autour de moi pour graver en moi ces belles images de la nature environnante. Je tourne la poignée de gaz !
A peine arrivé au premier stop, la pluie me plonge immédiatement dans une ambiance de solitude. Dans le grand noir et la mauvaise visibilité, je me focalise sur le bruit magnifique de ma ligne Micron, je me cale bien au fond de la selle et en position de pilotage telle que ma l’a enseigné mon mentor Christophe Guyot, Je me protège derrière mon carénage Carbone Kevlar ! Je commence à enchainer les kilomètres.
L’anticipation est de rigueur, j’augmente la distance de sécurité, je prête attention à chaque instant, je ne risque pas de m’endormir ! Sur la nationale, certaines zones à risque, entre les deux rangées d’arbres bordant la chaussée, les feuilles mortes lâchées par le vent me font redoubler de prudence. Mes cours de médecine me reviennent en tête en circulant de nuit : Atténuation des contrastes, modification du champ visuel, perturbation du sens du relief, auxquels vous ajoutez l’éblouissement des autres, les passages sous de très fortes pluies et certaines zones en travaux à peine éclairées augmentent le taux d’adrénaline à certains endroits !
Voici les premiers 80km engagés et l’autoroute qui n’est plus loin, un grand soulagement car je ne pensais absolument pas rencontrer les premiers problèmes dès les premiers kilomètres !
Les seuls véhicules croisés sur ma route depuis 4h30 étaient les camions et malgré leur position dominatrice depuis leurs cabines surélevées, ils semblaient être gênés par mon code peut-être réglé un peu haut.
Dans ces conditions de conduites pas si facile du tout, ils n’ont pas hésité à me le faire comprendre, plein phare, parfois même certains d’entre eux étaient équipés de longues portées et m’en mirent plein dans la figure.
Je peux vous assurer que dans ces conditions extrêmes, l’inconfort sous ces trombes d’eau et ce manque de visibilité est de taille ! Pour certains qui m’ont surpris au dernier moment, j’ai mis plusieurs minutes parfois à retrouver des conditions de roulage à peu près correctes (cette rémanence qui provoque un halo blanchâtre et intense qui ne disparaît qu’après un certain temps…)
Et ce, avec un œil qui se fatiguait de plus en plus heure après heure.
Alors pour rappeler à ces gens là ce que nous vivons sur deux roues, voici un petit aperçu de ce que l’on voit par temps de pluie dans le meilleur des cas !
Premier poste de péage, premier ticket, petite difficulté sous la pluie car à l’arrêt, je suis obligé d’enlever mes gants et avec le vent, je commence à avoir les mains mouillées (donc inévitablement l’intérieur des gants ensuite !)
Le ticket est précieusement glissé avec mon portefeuille dans la poche étanche de ma combinaison. Je reprends la route sans être plus indisposé que cela par ce petit arrêt mouillé et glacial.
Je précise que ma combinaison de cuir et par-dessus elle, celle de pluie ont contribué à me tenir bien au sec et bien au chaud tout au long du parcours jusqu’à la frontière.
C’est, arrivé au second péage, que le problème prit plus d’importance ! En effet la machine n’acceptait pas le ticket légèrement humide et j’ai dû attendre de longues minutes toujours sans protection au dessus de moi (on se demande à quoi servent les abris au dessus de nos têtes puisqu’ils vous font avancer jusqu’aux endroits où ils ne sont pas efficaces !)
L’hôtesse à l’interphone décide tout de même de m’appliquer le plus petit tarif puisque je venais de prendre l’autoroute 5mn auparavant, elle m’avait demandé de lire cinq chiffres totalement illisibles sur mon ticket (encore une fois, je pense que de sérieuses modifications s’imposent sur les réseaux autoroutiers, pas seulement au niveau des routes comme c’est toujours le cas mais aussi au niveau des péages !)
Je repartais donc avec le même rythme en attendant patiemment la pause pour faire le premier plein d’essence.
Une fois arrivé à la station, j’ai pu essuyer mon casque et mes gants et vérifier que tout se passait bien au niveau de la moto. Ce fut le cas et je ne tardais pas à reprendre la route immédiatement, réservant des temps de pause plus long au fur et à mesure de mon avancée.
La pluie ne cessait de tomber et j’avalais les kilomètres en savourant tout de même la puissance et la précision de mon engin, quel bonheur de ressentir ce plaisir incessant et de penser que quelques heures plus tard, inévitablement, j’aurai le bonheur de rouler avec le soleil du sud.
Merci au personnel sur les aires de repos qui me servait mes cappuccinos et contribuait à surveiller ma moto pendant que j’allais me laver les mains.
Le jour se lève rapidement, les kilomètres s’enchainent et je ne les ressens pas, l’itinéraire est simple, peu de monde sur les routes, je prends mon plaisir à piloter et à penser au soleil de l’Espagne !
Le passage de Bordeaux se fait ressentir, le temps se calme un peu, la chaleur de certains endroits commence à sécher mes gants, j’ouvre même un peu les mains en conduisant pour faciliter le phénomène. Me voici plongeant dans la région Aquitaine, les noms défilent, les souvenirs rejaillissent dans mon esprit, il est indéniable que l’esprit ne travaille pas à cette vitesse quand on prend l’avion.
Je laisse Biarritz, son port de pêcheurs, sa grande plage et son phare sur ma droite, je me dis que peut-être au retour si le temps est plus clément, je m’y arrêterai un peu pour sentir l’embrun !
La côte basque défile rapidement, les lieux me sont tous connus et j’apprécie de me plonger dans ces souvenirs de périples qui ont alimenté une partie de mon passé à moto principalement.
Saint-Jean-de-Lutz puis Hendaye et la frontière n’est plus loin, le beau temps non plus. Où certains visent leur point de chute, je réalise qu’un bon tiers de route m’attend encore et comme je l’imaginais bien, le plaisir entre la pierre et l’eau, l’Espagne du Nord, de la frontière à la capitale…
« Voyez d’abord avec votre esprit, ensuite avec vos yeux, et enfin avec votre corps. »
Yagyu Munenori
Il y a deux natures qui s’imposent à moi, la pierre et l’eau, je rêve de ces éperons rocheux dont émanent les idées de vols, les sentiments de liberté vers l’infini et où se rejoignent les plus beaux horizons. Je plonge aussi chaque fois que possible dans des mers inconnues composées de mille décorations différentes, gravées dans mon esprit à jamais et adoucissant mon corps à chaque fois que je m’y glisse.
« La résonance des deux mondes est un fil conducteur qui me libère et me dirige inévitablement vers ces mouvements cohérents qui m’entrainent chaque fois dans le bon chemin. » © DM
C’est pourquoi je me suis senti aussi libre en traversant l’Espagne du Nord, identifiant parfois les sinueuses trajectoires à celles de notre région d’Auvergne, respirant à pleins poumons le bon air des lieux.
Les touristes aiment les plages bondées et huileuses. Ils aiment se rejoindre et s’unir dans des lieux de visites programmées, je ne discute pas leurs choix, je leurs préfère tout simplement la solitude de mon parcours et l’isolement de mon périple du jour.
Passer 12 heures seul, plongé dans la réflexion et le souvenir des actions passées, autant que dans la projection des projets à venir, est pour mon esprit et mon âme la plus grande satisfaction qu’il me soit permis d’obtenir.
Je préfère de loin les routes sauvages et désertes, je suis béni, je les ai trouvées en ce beau pays où il m’est permis de ressentir des émotions uniques.
N’y voyez aucun mépris pour le reste, je me sens parfaitement bien dans ces conditions de vie où les sensations privilégiées en attendant le bonheur de les partager, restent celles de la solitude et du silence.
L’itinéraire a été simple et enfantin, pas besoin de GPS avant même de rentrer dans Madrid, uniquement rester concentré sur ma conduite, les radars, l’autonomie et le confort d’une position idéale qui m’a permise de faire le tout d’une seule traite.
La fin est proche, la circulation s’intensifie et je redouble d’attention, ma crainte pour les radars me garde en éveil, parfois même avec la chaleur et le manque de vivacité de conduite, on s’endormirait !
Fréquenter ces routes magnifiques entre 90 km/h et 120 km/h est une torture ! Je joue de l’accélérateur et je compte désormais les minutes qui me séparent de mon lieu d’arrivée. Mes amis du monde du deux roues, me connaissant bien, se doutent que pour moi il est plus important de dominer ses impulsions que de vouloir dominer la « bête » !
Je commence à croiser quelques motos et à pénétrer dans l’agglomération de Madrid, même si le trafic est intense, le plaisir reste présent, je ne regrette vraiment pas cette agréable récréation dans mon emploi du temps si dense.
Les rappels visuels de ce que j’avais découvert quelques semaines auparavant avec mon associé me font déjà vivre au rythme des Espagnols, il fait chaud, tout s’agite autour de moi, la capitale m’accueille… à suivre
David
« Oubliez votre peine, colère, rancune et haine. Laissez-les passer comme la fumée prise par la brise. Vous ne devriez pas dévier du chemin de la droiture: vous devriez mener la vie d’un homme de bien. Ne soyez pas possédé par l’avarice, la luxure, ou votre ego. Vous devriez accepter le chagrin, la peine et la haine comme elles sont et les considérer comme une chance et une épreuve donnée par les puissances divines…une bénédiction donnée par la nature… »
Masaaki Hatsumi